RW : Robert Walser par le Collectif Quatre Ailes

Vous avez découvert la maquette du projet RW ce week-end. Vos retours nous ont encouragé à continuer la création du spectacle complet.

Nous vous tiendrons au courant de nos avancées sur ce terrain. Pour ceux qui se posent encore des questions sur Robert Walser, vous pouvez lire cette biographie rédigée par Cécile :

Né le 15 avril 1878, à Bienne (Suisse allemande), Robert Walser est issu d’une famille de huit enfants. Il entretient une relation affective et artistique très intense avec son frère Karl, décorateur et peintre de talent, ainsi qu’avec Lisa, sa sœur institutrice. En 1894, il perd sa mère, disparition prématurée et déterminante pour son écriture et son rapport au réel : « car mon amour envers la vie n’est rien d’autre que l’amour envers ma mère, et elle est morte ». Il abandonne l’école à quatorze ans pour suivre un apprentissage de commis et quitte le domicile familial à dix-sept ans. Robert Walser se distingue de ses frères et sœurs installés dans une profession, convoitant un statut social et y accédant rapidement. Il multiplie les petits métiers, de banquier à commis, en passant par secrétaire, libraire ou employé d’une compagnie d’assurance… S’établir dans une profession équivaut pour Walser à entretenir la menace d’une nécrose poétique, d’un essoufflement des élans créatifs qu’il puise dans les variations du réel : « Pour l’heure, il se conduit comme un enfant : le mépris de ce que j’appelle le caractère bourgeois dans l’homme, et le monde vu perpétuellement comme un miracle » (Christian Morgenstern, ami de l’écrivain). Walser voyage de chambre en chambre, de ville en ville, de gens en gens sans s’arrêter. Cette vie totalement choisie est celle d’un homme qui refusera toujours de se faire aimer, par souci de liberté, pour aimer au mieux la vie et les autres à travers ses œuvres. Dans les diverses fonctions qu’il occupe, il met une attention particulière à remplir son rôle à la perfection ; son poste de prédilection est celui d’employé de maison ; c’est alors qu’il peut s’approcher au mieux du banal, du minuscule et s’abîmer dans une contemplation parfaite où s’oublier et disparaître : « Intéressantes m’apparaissaient les lampes que je nettoyais et rien ne me semblait plus aventureux, plus étrange et plus inhabituel que les planches que je devais polir soigneusement ». N’être plus qu’un morceau d’obéissance pour n’exister jamais… Au soir, Walser n’est plus qu’un morceau d’écriture où il s’immerge frénétiquement.

En 1898, à l’âge de vingt ans se produit son premier succès littéraire ; ses poèmes sont publiés dans le journal bernois Bund. Son aventure éditoriale se prolonge à Berlin auprès de son frère, Karl, qu’il rejoint en 1906, et qui illustre son premier roman, Les enfants Tanner, publié par Bruno Cassirer. Il sera suivi par Le Commis en 1908 qui reçoit un accueil plutôt enthousiaste. La réception se fait très frileuse en 1909, avec la parution de L’Institut Benjamenta, météore dans les lettres allemandes : il détruit totalement les normes narratives de l’époque, déjà bien entamées dans les romans précédents. Seuls certains fervent admirateurs et quelques grands écrivains qui pèseront dans le paysage littéraire mondial (Hermann Hesse, Max Brod, Franz Kafka, Robert Musil) sauront reconnaître la force et l’importance de cette œuvre. Exerçant au quotidien son goût de l’insignifiant, Robert Walser apparaît dans des tenues élimées, se refusant à porter les costumes proprets de son frère. Il passe aux yeux de la société lettrée berlinoise pour un original et un homme sans valeur. Lui-même s’accommode mal de l’élégance et des manières des poètes et artistes auxquelles il préfère la « grossièreté de la nature ».

Epuisé par la métropole et abattu par le mépris général accordé à son travail, il quitte Berlin en 1913 pour retourner dans son pays natal. Il se réfugie chez sa sœur, Lisa. C’est chez elle, puis à Bienne, où il habite une mansarde délabrée, qu’il redéploie son goût pour la promenade, l’immersion dans la campagne et la ville helvète. Loin d’être simplement oisive (ce que lui reprochent sa famille et ses compatriotes), la promenade, est au cœur du travail walserien, un fondamental sans lequel il ne peut écrire. Le mouvement de l’écriture est en effet déterminé par un mouvement physique préalable, une rencontre toujours renouvelée avec le dehors. C’est à travers la marche qu’il s’ouvre le mieux à l’échange et parvient à rencontrer l’Autre, comme en témoignent les écrits de l’ami Karl Seelig, Promenades avec Robert Walser. C’est à cette époque que paraît La Promenade. De 1916 à 1920 paraissent Seeland, Proses, Petites proses, Vie de poète et Comédie.

Après quoi s’installe une période de silence éditorial qui ne sera interrompue qu’en 1925, avec La Rose, le dernier ouvrage de sa période active. C’est à cette date qu’il développe la méthode du crayon, les « crayonnures » (les lettres ne dépassant pas deux millimètres). Il invente cette technique pour remédier d’abord à une douleur physique réelle et redonner une fluidité à sa main. Sa prose, son seul mode d’être, disparaissant avec la méthode crayonnée aux yeux du commun des mortels, elle perpétue son souhait d’être un « zéro tout rond ». Il écrit à cette époque un nombre incroyable de proses, réunies aujourd’hui en six volumes dans une édition suisse (Suhrkamp). Max Brod continue à publier ses courts textes au sein de son journal à Prague, pendant que Walser est de plus en plus abandonné par ses soutiens suisses. Son état moral se dégrade, il s’isole de ceux qu’il a connus. Les crises qui se succèdent inquiétant son entourage, sa sœur prend rendez-vous avec le psychiatre de la famille et décide de l’interner à l’asile de Waldau en 1929. Diagnostiqué promptement schizophrène, il entame une vie réglée d’interné psychiatrique qui ne sera interrompue qu’en 1957, par la mort, au cours d’une promenade dans la neige. Le témoignage essentiel de Karl Seelig, son tuteur et ami, confirme l’extrême lucidité et l’intelligence toujours vive d’un homme ayant accepté d’endosser le costume du fou, pour enfin rester seul et tranquille dans « les régions inférieures » de son monde intérieur.

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