MC 93 l’autre discours

SOUTIEN À LA MC 93

L’ouverture de la MC93, en mars 1980, était l’aboutissement de deux décennies de travail artistique et de combats menés par tous ceux qui ont participé à cette longue préfiguration avec le soutien des élus des collectivités locales du département. Et, les bâtiments étant enfin sortis de terre et inaugurés, il fallut immédiatement reprendre la lutte pour obtenir les moyens nécessaires à leur fonctionnement. Certains se souviennent sans doute que nous sommes restés portes closes un certain temps, un panneau sur la façade précisant que le ministère de la Culture refusant de tenir ses engagements, il n’était pas possible d’ouvrir au public… Certes, nous avons fini par obtenir gain de cause ; mais, au fil des années et des directions successives, il n’a jamais été possible de baisser la garde. Ce qui n’a pas empêché la MC93 de s’affirmer comme une des scènes les plus importantes du paysage artistique européen.

En cela, l’histoire de la MC93 n’est pas différente de celle de toutes les structures culturelles, grandes ou petites. Depuis toujours, dès lors que le travail de création et l’invention de formes nouvelles, l’action artistique, la volonté de favoriser toujours plus la rencontre entre les œuvres et le public le plus large, dérangent, interrogent, contestent, raillent voire dénoncent le monde tel qu’il est, ceux qui refusent le mouvement de la vie et nient l’importance de l’utopie créatrice, légifèrent ou inventent des artifices pour dresser des barrières devant les lieux où s’invente l’art de notre temps.

Ce n’est pas seulement une OPA, mais un véritable hold-up dont la ministre de la Culture a confié la mise en œuvre à ses sbires (à partir d’une proposition de l’administratrice de la Comédie-Française, Muriel Mayette, que cette initiative n’honore pas !). Les directeurs de théâtres nationaux n’ont, récemment, que très faiblement protesté contre la stagnation de leurs subventions, mais aucun n’a eu l’idée saugrenue de résoudre ses problèmes en organisant un raid pour coloniser une salle réputée de la banlieue. Il est vrai que la Comédie Française n’en est pas à son coup d’essai puisqu’elle a déjà tenté une décentralisation lamentable à Gennevilliers.

Il me semble que l’heure n’est pas à la négociation mais à l’affirmation d’un refus catégorique de ce type de « solution » et, surtout, de la méthode qui montre le mépris dans lequel ce système tient les artistes et les professionnels. Certes, le temps n’est plus où un écart de langage d’un ministre (nous reprochant de brandir alternativement « la sébile et le cocktail Molotov ») mettait, deux jours après, toute la profession dans la rue, ce qui obligeait Maurice Druon à la démission. Cependant, il est temps que chacun prenne conscience de l’inanité du repli sur soi et de l’individualisme, dans le domaine de la défense d’une profession menacée.

Il faut, aujourd’hui que chaque fois que ce ministère mène une attaque contre un lieu de création, une équipe artistique, une structure culturelle, quelle que soit la taille de cette entreprise, le directeur et ses collaborateurs trouvent à leurs côtés — engagés dans le refus et la résistance — l’ensemble des artistes de toutes disciplines ainsi que les professionnels des corps de métiers intervenants dans la réalisation et la diffusion des œuvres. Sans cette mobilisation (dont chacun sait qu’elle est extrêmement difficile, ce qui n’empêche pas de commencer à l’organiser), les mauvais coups continueront et il n’y aura bientôt plus rien à défendre.

C’est pour cette raison (et aussi, bien sûr, parce que sept années de préfiguration et cinq années de direction de la MC 93 ont été une des périodes les plus passionnantes de ma vie professionnelle), que j’ai pensé utile de rompre le silence tranquille et la réserve de la retraite en assurant Patrick Sommier et son équipe de tout mon soutien.

Claude-Olivier Stern
(directeur de la préfiguration de la maison de la Culture de la Seine Saint-Denis de 1973 à 1980, directeur de la MC93 de 1980 à 1985)

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